DISPARITION - L’historien manifesta très tôt le souci d’écrire pour un large public, sans jamais dissocier la vulgarisation de son travail de recherche. On retient de lui notamment ses grandes synthèses sur les Plantagenêts ainsi qu’une biographie magistrale d’Aliénor d’Aquitaine.
Martin Aurell est né à Barcelone en 1958. Pour un médiéviste, c’était une double bénédiction. Les archives catalanes sont en effet d’une richesse proprement fabuleuse, et, lorsqu’il arriva en Provence, au début des années 1980, il put y recevoir les enseignements d’une médiévistique française alors flamboyante. Il s’inscrivit d’emblée dans le sillage de Georges Duby et de Bernard Guenée, qui venaient de rendre leurs lettres de noblesse à une histoire politique renouvelée, s’ouvrant à l’histoire sociale et culturelle ainsi qu’à l’anthropologie.
Les premiers travaux d’un historien sont souvent les plus intéressants ou les plus déterminants. En 1983, Martin Aurell soutenait sa thèse de troisième cycle, consacrée à une puissante famille d’Arles, les Porcelet. Il en décrivait l’ascension, au service de l’archevêque d’Arles et du comte de Provence, puis le déclin, à la suite de choix politiques malheureux et, surtout, de l’affirmation croissante du pouvoir princier. Martin Aurell montrait sa maîtrise du champ de recherche dont il allait devenir l’un des meilleurs spécialistes : la noblesse du Moyen Âge féodal, diverse, libre et indépendante. En précurseur, deux ans seulement après la publication de l’ouvrage fondateur de Georges Duby Le Chevalier, la Femme et le Prêtre, il s’intéressait aux femmes. Il en constatait l’influence et le rôle majeur, puis la dégradation du statut à partir du XIIIe siècle.
À lire aussi Dix idées reçues sur le Moyen Âge, de Martin Aurell: ces idées fausses sur une période bien obscure
En 1995, dans Les Noces du comte, il approfondissait et confirmait ses thèses. Martin Aurell y analysait la politique matrimoniale des comtes de Barcelone. C’est par le mariage, en effet, que ceux-ci unifièrent et fondèrent la Catalogne, puis, devenus rois de Valence et d’Aragon, dominèrent le Midi français et la Méditerranée occidentale jusqu’en Sicile. S’ils durent accepter les principes de monogamie et d’indissolubilité imposés par l’Église, si dangereux pour la perpétuation des lignages, le mariage resta ce qu’il avait toujours été : une institution sociale et politique, remarquablement adaptable aux nécessités du moment. Ce fut, hélas, aux dépens des femmes.
Travail acharné, rigueur et honnêteté
De puissantes douairières qu’elles étaient jusqu’au XIIIe siècle, elles se contentèrent par la suite d’apporter à leur mari les dots les plus copieuses possibles. Ce n’est pas le moindre mérite de Martin Aurell que d’avoir montré des femmes actrices de l’histoire, et non seulement objets. Déjà, il mettait en garde contre la tentation de ne voir en elles que des victimes inconscientes et passives de la domination masculine. Il se faisait l’ardent partisan d’une histoire des femmes, mais des femmes en relation avec les hommes.
Martin Aurell manifesta très tôt le souci d’écrire pour le public le plus large, sans jamais dissocier la vulgarisation de son travail de recherche. Il sut se renouveler dans la continuité, en publiant de grandes synthèses sur les Plantagenêts ainsi qu’une biographie magistrale d’Aliénor d’Aquitaine, tout récemment saluée par la critique. Naturalisé français, Martin Aurell n’en restait pas moins attaché à ses origines catalanes, et, à ce titre, se méfiait du centralisme autoritaire. Pour ce catholique fervent, le triomphe des conceptions modernes de l’État aux dépens de l’universalisme chrétien ne constituait pas nécessairement un progrès.
...llegir-ho tot a:
Cap comentari:
Publica un comentari a l'entrada